Historique de la marche Notre-Dame de Walcourt

Historique 

La Marche militaire et folklorique Notre-Dame de Walcourt doit son existence au pèlerinage dédié à Notre-Dame. Elle en constitue l’escorte d’honneur à l’instar des marches militaires qui existent dans l’Entre-Sambre-et-Meuse. 

Cette procession commémore le miracle « du Jardinet » survenu au début du XIIIème siècle, lorsque la statue de Notre-Dame échappa aux flammes de l’incendie qui ravageait la collégiale en 1228 pour se retrouver dans un arbre au lieu-dit évoqué ci-avant. Devant l’impossibilité de l’en déloger, les habitants du bourg firent appel à Thierry II, Seigneur de Walcourt, qui promit à la sainte image de construire une abbaye en ce lieu si elle daignait descendre de l’arbre. Thierry put ainsi ramener triomphalement la statue sur son saint autel.  

Très rapidement après ce fait merveilleux et nourri par d’autres grâces accordées par la madone de Walcourt, une procession se mit en place. Elle fut accompagnée, comme de coutume à l’époque, par une escorte armée chargée de protéger le clergé et les pèlerins. A ce titre, le pèlerinage est déjà cité en 1318 dans un traité de paix entre les chanoines de Saint-Feuillen et les bourgeois de Fosses. 

Les archives locales ont fortement souffert des incendies, pillages et autres vicissitudes que la ville de Walcourt eût à subir tout au long de son histoire. Des traces écrites attestent de la présence de groupes armés pour escorter la procession « comme il était de coutume » en 1429 ; il est aussi question de poudre en 1545, de cinq tambours et un fifre vers 1600, trois tambours en 1658 ou 1659, et de poudre encore en 1661 et en 1765…  

Il est donc permis de croire que l’escorte armée de la procession, origine de la marche actuelle, a existé jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Peu avant la Révolution française, Joseph II supprima les manifestations religieuses et les milices rurales ou bourgeoises qui constituaient l’ossature de l’escorte. 

Mais dès la signature du Concordat entre le pape Pie VII et Bonaparte en 1802, les processions religieuses furent organisées à nouveau, à Walcourt notamment, si l’on en croit la lecture de la correspondance entre le maire de Walcourt, Nicolas Thibaut, et le sous-préfet de Dinant. Il est d’ailleurs certain que la procession fut organisée de 1801 à 1805, le préfet Pérès marquant son accord pour que les habitants de Walcourt et des environs se réunissent en armes pour accompagner le pèlerinage. En 1814, la tradition rapporte que seuls les soldats de Daussois prirent part à la procession annuelle.  

Les archives rapportent qu’en 1829, personne ne se présenta pour occuper les places d’officier en la séance communale du 28 mai. Le conseil « considérant qu’il est de l’intérêt de la commune de maintenir la procession de la Trinité (…) » nomma comme officiers : le commandant BALERIAUX avec LHOEST et LEOTARD, le capitaine MASSART, le porte-drapeau FAGNIART, le premier lieutenant GOSSIAUX, le commandant du deuxième peloton HEUREUX et le commandant du troisième peloton GILAIN.  

Du reste, à cette époque et depuis le XVIIème siècle, les paroisses voisines envoyaient régulièrement de menus contingents armés pour enrichir les rangs de l’escorte : Vogenée, Fontenelle, Mertenne, Silenrieux, Chastrès… sont autant de villages voisins qui prenaient part à la procession annuelle pour qui la ville de Walcourt payait poudre et rafraîchissements. 

Tout au long du XIXème siècle, et actuellement encore, l’organisation de la Marche ne put se poursuivre qu’à l’aide, notamment, des subsides communaux, destinés principalement à payer la poudre, les tambours et les fifres. Les archives font état de 38 florins en 1827, 59 en 1828, 49 en 1829. Elles mentionnent également 88 francs en 1833 et les sommes augmenteront progressivement pour atteindre 250 francs en 1851 « pourvu qu’il se trouve au moins quarante tireurs sous les armes. » Ce subside de 250 francs restera inchangé jusqu’en 1914, année où, au surplus, une souscription publique fut ouverte pour acheter un drapeau à la compagnie de Daussois à l’occasion du centenaire de sa participation  à la Trinité.  

On pourrait penser que c’est à partir du début du XIXème siècle que la Marche Notre-Dame emprunta une certaine coloration française dans les costumes arborés par les marcheurs. Il n’existe que très peu d’archives ou de preuves sur l’origine des tenues. Des hypothèses peuvent cependant être avancées, certaines plus plausibles que d’autres. Une supposition très répandue en Entre-Sambre-et-Meuse affirme qu’à la fin de la période napoléonienne, et plus particulièrement après la défaite de 1815, les vétérans de l’Empire escortaient  la procession vêtus de leurs « défroques » par attachement aux souvenirs du glorieux passé et à l’imagerie collective; et plus tard, par esprit de provocation à l’égard de l’envahisseur hollandais. Aucune trace d’une conscription majeure à Walcourt ne peut cependant asseoir cette hypothèse. 

Ajoutons qu’avec l’indépendance de la Belgique et le sentiment nationaliste naissant, les costumes devaient être loin de rappeler les uniformes du 1er Empire. Il est plus plausible de penser qu’au XIXème siècle, les marches comptaient des hommes vêtus de sarraux et, plus tard, de costumes types, mélangeant des éléments issus de l’armée française, de l’armée belge et de la Garde Civique. Avec le temps, ils se personnaliseront et se modifieront au-delà de la logique militaire. 

C’est ainsi qu’en 1911, la Marche Notre-Dame participa au « Tournoi de Marches » organisée dans le cadre de l’exposition internationale de Charleroi. Selon une tradition orale familiale, la cantinière de Walcourt aurait reçu une médaille d’or pour « la cantinière la mieux costumée. » 

Seules les deux guerres (1914-1918 et 1940-1945) empêchèrent partiellement la présence de l’escorte armée (la Marche) dans les rangs de la procession, l’occupant étant hostile à toute manifestation en arme. En raison de la mobilisation, il va sans dire que les rangs étaient particulièrement maigres. Les marcheurs les plus aguerris s’armaient alors de bâtons et des sacs en papier qui, gonflés et crevés, permettaient de remplacer l’explosion de la poudre. Il est à noter qu’une tradition populaire et locale rapporte que l’annulation de la procession est un signe de guerre. L’histoire rejoint ici la tradition : Notre-Dame et le clergé ne purent sortir de la collégiale en 1914 tant la tempête et la pluie avaient rendu les chemins du Grand Tour impraticables… Ce fut le seul cas de figure relaté dans les presses locales d’alors. Les festivités de 1939 furent quant à elles somptueuses : la Compagnie de Daussois fêtait sa 125ème participation à la Trinité. Les chroniques de l’époque rapportent que le temps avait été particulièrement clément pour l’occasion.

Avec parfois des périodes difficiles dues essentiellement aux crises économiques, la Marche est maintenue jusqu’à ce jour.  

Au début des années 60, la Marche Militaire Notre-Dame de Walcourt est en profonde mutation et subit de nombreux changements. Initialement, Walcourt ne présentait qu’une compagnie de structure dite « classique », en uniformes « traditionnels ». L’escorte était alors composée d’une saperie, d’un Tambour-major précédant la batterie, du drapeau, de deux pelotons de Grenadiers, d’un peloton de Zouaves et d’une Dernière Guérite. 

En 1962, Fernand Ernotte reforma le 2ème Régiment de Zouaves qui sortira en compagnie indépendante à partir de 1964. 

En 1963, un peloton de Grenadiers troquera ses uniformes « traditionnels » pour des costumes du Premier Empire. Les Grenadiers étant divisés en deux sous-pelotons depuis 1948, l’autre demi-peloton adoptera par la suite des uniformes de Voltigeurs du Premier Empire. 

Lors de l’exposition folklorique des 12 et 13 juin 1965 qui s’est tenue à l’Hôtel de Ville de Walcourt, un comité recruta pas moins de 135 jeunes prêts à participer aux festivités de la Trinité de 1966 dans une compagnie réservée aux jeunes. Initialement, la place qui leur était réservée dans la Marche était relativement limitée puisqu’ils étaient chargés de marcher sous le Drapeau de la Jeunesse. Même si certains d’entre eux rejoignaient les pelotons d’adultes et marchaient aux côtés des ainés, il n’y avait, à l’époque, aucune règlementation et ces circonstances restaient exceptionnelles. C’est la création de la Jeune Garde. 

En 1966, la Dernière Guérite deviendra le peloton des Gendarmes d’Elite. C’est cette même année que la Marche obtiendra son statut par arrêté communal. Les Sapeurs arboreront le grand uniforme du Sapeur de 1810-1814 à partir de 1967. Le 9ème Régiment de Hussards, plus tardif, sera créé en 1997. 

Ainsi, on remarque qu’en 1967, tous les pelotons de la Marche Notre-Dame sont exclusivement vêtus de costumes du Premier Empire, à l’exception des Zouaves dont l’origine historique est plus tardive. Cependant, il ne faut pas y voir là quelque mentalité bonapartiste : Walcourt a suivi une mode. En effet, à cette époque, de nombreuses compagnies d’Entre-Sambre-et-Meuse optent pour ces uniformes chatoyants réalisés par les loueurs. Progressivement, chaque peloton fera réaliser ses propres costumes qui resteront leur propriété. Cet avantage aura sans nul doute contribué à garantir le prestige de la Marche Notre-Dame qui, soulignons-le, a eu le privilège de recevoir la royale visite du roi Baudouin et de la reine Fabiola à l’occasion de l’année jubilaire du 750ème anniversaire du pèlerinage en 1975. 

Les compagnies et pelotons ne cesseront d’enrichir leurs costumes et leurs structures propres pour répondre aux exigences d’un folklore en perpétuelle mutation tout en respectant et préservant la tradition walcourienne. 

Florian Lepinne 

Sources : 

  • J. Cawet : « Manuel du Pèlerin et du visiteur au sanctuaire de Notre-Dame de Walcourt » (1925) 
  • R. Golard : « Chronique des Marches Passées » Tome I (1985)
  • G. Dereine : « La Légende de Notre-Dame de Walcourt » (1996) 
  • N. et F.-L. Bedoret : « Walcourt : la Collégiale, le Chapitre collégial et le Pèlerinage » (2000) 
  • R. Golard : « Chronique des Marches Passées » Tome II (2008) 
  • F. Lepinne : « La Jeune Garde, 50 ans d’histoire » (2015) 

Merci particulièrement à David Verzwymelen pour ses commentaires pertinents et ses apports historiques enrichissants. 

Enfin, ce « puzzle » est le fruit de plusieurs rencontres avec Roger Golard et le texte n’aurait pu aboutir sans le partage de nos notes personnelles. Il me plait ici de lui rendre un vibrant hommage. 

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